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"Histoires et réalités" autour du traitement dit "au beryllium"
Article par V. Pardieu
En ligne depuis: 10/02/2004

 

Il était une fois entre science, chance et alchimie…

Le monde des pierres précieuses est un monde de secrets et il est difficile de savoir vraiment le comment ou le pourquoi des choses. Il existe plusieurs versions, plusieurs histoires ou des « on dit » qui tournent sur Bangkok et dans ce petit monde a propos de la découverte du traitement baptise « nouveau traitement », « traitement au béryllium », « bulk diffusion », « traitement avec additifs », « AHT », etc. Il est plausible sans que cela soit certain que cela ait commence ainsi:

Un “burner” Thaï utilisait le même nouveau four à haute température afin de chauffer ses différentes pierres. Un chrysobéryl, possiblement issu d’un lot se saphirs venant de Madagascar s’est retrouve oublie et coince dans le four. A partir de ce jour ce « burner » obtenait de surprenants bons résultats avec certains de ses saphirs jaunes et roses... Il aurait mis 2 ans avant de comprendre que ce surprenant bon résultat venait de ce chrysobéryl oublié. A partir de ce moment les choses allèrent plus vite : Lui et ses amis commencèrent à faire des essais sur toutes les différentes sortes de corindons qu’ils pouvaient trouver. Et ce traitement au chrysobéryl s’est avère très très bon pour plusieurs types de pierres : On pouvais obtenir des pierres présentant de très belles couleurs rose orange qui ont été envoyées pour être testées sur le marché Japonais. Ce marché qui est le marché traditionnel des padparadsha, a très bien réagi car les négociants nippons ont pas mal de problèmes du fait de la crise économique au Japon : Voir arriver des padparadsha plus nombreux et moins chers n’était pas pour leur déplaire.

Pour les « burners » thaïs, ces pierres étaient simplement des pierres chauffées : Pas d’ajout de produits chimiques, rien de répréhensible, rien de criminel… Juste une bonne technique agrémentée d’un petit secret qu’il fallait préserver afin qu’ils ne se fassent pas doubler trop vite par la concurrence ! En effet chaque « burner » à Chanthabury a l’habitude d’avoir ses petits secrets, a chacun d’ajouter dans leurs « poudre magique » qu’ils mêlent aux enduit qu’il utilisent pour empêcher les pierres de se coller les unes aux autres à haute température (des mellants) un petit quelque chose : De la terre d’une bonne mine ou d’un monastère voisin, etc.… A ce moment de l’histoire il était très probable qu’aucun des opérateurs de ce traitement n’ait jamais entendu parler de ce « béryllium » que l’on allait bien vite coller à leur « traitement miracle ». Rappelons le : Les « burners » de Chanthabury étaient bien souvent il y a 30 ou 40 ans majoritairement des agriculteurs qui ont découvert que sous leurs riz ou leur durians il y avait des rubis. Nombreux sont les scientifiques qui les regardent avec un certain dédain car ils ne sont pour eux que de simples cuisiniers ou alchimistes chanceux pour le mieux ou simplement des escrocs.

Il sembleraient donc que l’on vive une opposition entre une approche expérimentale Thaïe à l’oppose de la méthode empirique occidentale consistant à faire des essais après avoir développe un modèle théorique. Ce modèle est bien sur à mettre entre guillemets car depuis peu les « Burners » Thaïs reçoivent plus de soutien de la part des universités Thaïe et aussi de chercheurs venus s’établir ici afin de travailler dans le domaine du traitement des pierres (Russes, Japonais,...). On a donc vu récemment une nouvelles génération de fours commencer à être utilisés ici : Des fours électriques ayant un contrôle précis de la température, de l’atmosphère et probablement aussi associés à un système permettant non seulement de chauffer à très haute température (environ 2000 degrés) mais aussi d’utiliser des hautes pressions. Ce dernier point semble être un élément essentiel de ce « nouveau traitement ».

Et rien n’est fini... qui sait ce qui est en ce moment est en train d’être expérimente : Hautes pressions, micro ondes, on entends parler de bien des choses mais bien rarement on a la chance de pouvoir les étudier... Une chose est sure : La grande valeur des pierres précieuses est due bien sur a leur beauté et leur durabilité mais aussi a leur rareté et donc tout moyen permettant de produire des pierres aussi belles que ces « chères raretés » a de bonnes chances de trouver amateur car le négociant en pierre se voit désormais concurrencé en cette période difficile par de nombreux autres produits de consommation : Voyages, voitures, ordinateurs, Hi fi,... On entend souvent dire que le consommateur n’achète pas car c’est trop cher...

Les traitements sur les pierres ont l’avantage certain de produire des quantités de pierres d’origine naturelle suffisamment présentables pour être utilisées en bijouterie. Mais le consommateur sait il exactement ce qu’il achète ? On se rapproche du débat sur la « mal bouffe »... Il y a ceux qui ne jurent que par les pierres pour lesquelles l’intervention humaine a été limitée à la taille et le polissage, et tant pis si la pierre n’est pas d’une beauté parfaite : On l’aime tout de même car elle en devient spéciale... Et puis il y a ceux qui veulent fournir à leur clientèle ce que cette clientèle demande : la perfection à un prix abordable. Et pour cela l’important c’est que la pierre soit superbe, et que ce soit « une vraie » donc pas une pierre synthétique fabriquée à 100% dans un laboratoire.

A priori : Pas de problème, sauf que souvent le défaut d’information au consommateur fait que celui ci va acheter une pierre traitée sans le savoir... Il n’a d’ailleurs peut être jamais entendu parler du fait que l’on puisse traiter une pierre gemme.

Quel est le fond du problème ?
Le débat est très important dans le milieu de la gemmologie et du commerce des pierres. Les professionnels se demande ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas... Est t’on en train de dépasser les bornes ou est t’on encore dans le domaine de l’acceptable ?

Il y a quelques années on avait vu apparaître les premiers saphirs et rubis « diffuses ». Ces pierres avaient été chauffées entourées d’un enduit au chrome, au fer ou au titane de façon à créer à la surface de la pierre une mince couche de couleur qui donne l’impression que la pierre a une superbe couleur uniforme. Ce traitement n’a pas été accepte comme banal contrairement au traitement thermique plus traditionnel qui consistait a chauffer la pierre pour activer les élément internes de la pierre afin qu’ils génèrent la couleur voulue (traitement des saphirs qui permet de transformer certaines pierres blanchâtres en superbes saphirs bleus, ou alors d’éliminer la composant pourpre de la couleur de certains rubis) ou alors à réduire le nombre et la visibilités des inclusions naturelles de la pierre ( comme pour les rubis : On élimine ainsi la visibilité des « soies » de rutile dans certains rubis de Mogok ou alors on referme les fractures des pierres de Mong Shu).

Certains traitement ne sont pas acceptes car ils dérangent ce commerce très conservateur: Ils font planer une menace sur le commerce traditionnel de ces pierres et il est clair que les détenteurs de ce commerce ne voient pas d’un bon œil cette « concurrence déloyale ».

La controverse avec ce nouveau traitement est née par le message d’alerte à la profession lancé par Ken Scarrat de l’AGTA (American Gem Trader Association) et le GIA (Gemological Institute of America). Immédiatement les pierres en questions ont été discrédites car affublée de 2 mots très peu vendeurs : « diffusion » et « béryllium »... La suite à tourne très vite en pugilat entre grosso modo les burners Thaïs dont certains avaient investi des sommes énormes dans l’achat de matériel et de pierres brutes et les laboratoires américains GIA et AGTA en tête épaulés par Richard Hugues sur ses sites Internet bien connus des spécialistes des rubis et saphirs (www.palagems.com et www.ruby-sapphire.com).

Tout le monde des pierres s’y est mis, car l’affaire était importante : Des camps se sont formés, les grands laboratoires Suisses que sont GUBELIN et SSEF ont rejoint le GIA et l’AGTA dans des déclaration communes afin d’avoir une approche commune sur le nom a donner a ces pierres. Leur approche est devenue plus souple: On ne parle plus désormais de « Bulk diffusion » mais de « lattice diffusion »... Les pierres sont classées dans la catégorie « traitées » mais finalement n’ont pas été déclarées « diffusées ». A Bangkok de l’autre cote deux occidentaux se mêlaient de l’affaire en prenant une position différente de celle des « américains ».

Ted Themelis (américain d’origine grecque) qui ne voulait pas être de reste en tant qu’expert sur les traitements thermiques des corindons se mit lui aussi quoi que plus tard mais à vitesse redoublée à ce sujet brûlant. Il proposa d’abord sur son site (www.themelis.com) le terme de « treated with catalyst » puis décida de passer au terme de « heated with light elements » dans le livret qu’il a publié sur le sujet et qu’il a présenté lors du Gem show de Tucson (USA) en février 2003. Ted est actuellement un des seuls à parler non seulement de Béryllium mais aussi de Lithium. Ted récidive dans la controverse en ce moment en proposant un livre sur « les traitements thermiques avec fondants ».

Le Docteur Suisse Peretti (ancien de GUBELIN) installé à Bangkok qui se mettait plutôt du coté des Thaïs parlant de traitement thermique avec « migration interne »... Il publia des études très poussées de ce traitement que l’on peut consulter sur son site Internet : www.gemresearch.ch. Très oppose sur ce site a Ken Scarratt et Richard Hugues il a une approche de la nomenclature plus conciliante pour le commerce de ces pierres. Mais le « mal » était fait car les prix avaient chuté de façon vertigineuse suite aux communications « américaines ». Cela avait amené à la ruine plusieurs Thaïs qui avaient investi beaucoup et se retrouvaient avec des pierres superbes mais très difficilement vendables...

De son coté L’Asian Institute of Gemological Sciences (AIGS) située à Bangkok, bien loin de ces poids lourds de la gemmologie se mit rapidement à produire des documents avec la mention : « Indications of AHT » avec AHT pour « Advanced Heat Treatment ». En effet si l’AIGS comme les autres laboratoires peut identifier une grande partie des pierres traitées de cette manière du fait de leurs spécificités (cf. plus loin) il n’a jamais été possible de prouver dans l’absolu qu’elles avaient ou non été traitées au béryllium. Certains à Bangkok utilisent cet argument en ce moment même pour essayer de forcer l’AIGS à utiliser décrire ces pierres uniquement comme Chauffées (Heat Treated). L’AIGS accorde beaucoup d’importance au mot « Indications ». Vu que les machines nécessaires à l’établissement de ces preuves n’étant pas disponibles en Thaïlande (donc ni pour l’AIGS ni pour les autres laboratoires de la place) la prudence est donc grande. Mais l’AIGS a décidé de donner son avis sur le sujet en essayant de ne pas rentrer dans les polémiques scientifiques. L’appellation AHT est désormais cependant dépassée car désormais car l’AIGS a du rejoindre les laboratoires de la place de Bangkok pour une identification par le terme impose: « Indications of heat treating with light elements ».

En ce moment cette bataille d’intérêts, entre d’un coté : les occidentaux qui veulent protéger leurs marchés et ne pas se voir imposer de nouveaux produits par surprise et de l’autre les « burners Thaïs » qui luttent pour conserver leur avance technologique et leurs secrets dans le domaine des traitements des pierres, se camoufle en une controverse de nomenclature. Une bataille de mot qui en cache d’autres. Cette histoire prends en tous cas des dimensions politiques dramatiques en Thaïlande car de nombreux emplois ont été perdus ou sont menacés dans cette industrie majeure pour le pays qu’est le commerce des pierres. Le gouvernement Thaï essaie en ce moment même d’imposer une attitude commune afin de défendre les intérêts du pays.

Bien des histoires ont tournée et tournent encore sans que je ne puisse trier le vrai du faux… Ici et la car certains n’ont pas été sans remarquer que les deux grands accusateurs du coté« américain » connaissent très bien la Thaïlande : Richard Hugues et Ken Scarrat on tous les deux vécu et travaillé ici de nombreuses années en étant notamment à tour de rôle a la tête de l’AIGS (Et oui…) C’était avant la crise asiatique de 1997. On ne peut pas dire en tous cas qu’ils ne connaissaient pas les Thaïs, ni qu’ils n’aiment pas ce pays et ses habitants (Ils sont tous deux marries avec des Thaïes…) Certains voient dans ce qui peut prendre parfois l’allure d’une vraie petite guerre contre les « burners thaïs » une cabale montée comme une vengeance personnelle... On m’a plusieurs fois posé la question, mais je dois dire que ma foi je n’en sais rien car je ne les connais pas personnellement et de plus je n’étais pas en Thaïlande à cette époque.

Etant installe depuis 3 ans a Bangkok et travaillant comme consultant pour l’AIGS (Asian Institute of Gemological Sciences) j’ai vu passer et ai pu étudier nombreuses de ces pierres... Le laboratoire de gemmologie de l’AIGS est en effet très spécialisé sur les rubis et les saphirs. Ses gemmologistes ont pour certains d’entre eux plus de 20 ans d’expérience et ont peut être vu passer sous leurs yeux plus de rubis et de saphirs que bien des experts installes en Europe. Etudier les pierres avec eux et profiter de leur immense expérience et des avis de leurs vieux amis de passage fut très enrichissant pour un jeune gemmologiste. J’ai eut aussi la chance, lors de mes études de gemmologie en Birmanie et au GIA de collaborer avec Ted Themelis sur ce traitement avant de rejoindre l’AIGS. Ted Themelis est un travailleur acharne, passionne et passionnant. Cette collaboration m’a énormément appris.

Passons désormais à la partie sûrement la plus intéressante de ce problème : Les pierres elles même !

Ce traitement utilise des températures très élevées (au dessus de 1700 degrés) et aussi très certainement des pressions élevées. Ces pierres présentent de nombreuses inclusions inédites auparavant qui sont de bonnes indications du fait que leurs hôtes ont été soumis à ce nouveau type de traitement.
Cependant on ne doit pas oublier que le traitement à très haute température sans usage de béryllium existe aussi et donc établir qu’une pierre à été chauffée a très haute température ne permet pas de prouver que son traitement ait impliqué la présence de béryllium. Les inclusions étant globalement les mêmes… Seules les couleurs changent ! L’étude de la répartition de la couleur en liaisons avec les inclusions est donc le principal souci du gemmologiste cherchant à définir si la pierre a ou n’a pas été chauffée avec l’appoint d’éléments légers…
L’élément nouveau et donc bien connu de ce traitement est l’utilisation de béryllium à partir de poudre de chrysobéryl ou peut être de poudre d’origine industrielle. Du fait de la très haute température et de la pression possible utilisée, il semble selon les études en cours sur le sujet que les atomes de béryllium vont pénétrer dans la pierre et changer la couleur en modifiant les interactions entre le fer, le titane, le magnésium et probablement les centres de couleur déjà présents dans la pierre. (Cf. à ce sujet le très bon article dans Gem and Gemology de l’Eté 2003…)

Le problème c’est que le béryllium est un élément très léger donc presque impossible à détecter avec les spectroscopes EDXRF utilisés assez couramment en laboratoire de gemmologie. De plus la quantité de Béryllium qui va pénétrer dans la pierre est si infime que même si la détection avait été théoriquement possible, cela ne pourrait se faire car en dessous du seuil de détection de ces machines. Seuls les instruments très pointus que sont les spectroscopes de masse SIMS et LA-ICP-MS peuvent détecter ces niveaux. Je ne crois pas que ces instruments soient un jours des appareils standards de laboratoires car ils sont très sensibles, très coûteux et donc doivent opérer dans des environnements très propres afin notamment de ne pas fausser les mesures avec les pollutions atmosphériques diverses... Je vois mal ces instruments opérer de façon économiquement viable pour un laboratoire de gemmologie dans la pollution de Bangkok... De plus le fait est que coût de la mesure en Europe ou aux USA avec ces instruments pour prouver la présence de Béryllium ou d’un autre élément léger dépasse de plusieurs fois ce que le client paie pour avoir l’opinion d’un laboratoire... Ces tests sont aussi très légèrement destructeur du fait que l’on doive vaporiser une minuscule partie de la pierre (ce qui est contraire a l’éthique d’un laboratoire de gemmologie).

Du fait de ce problème le gemmologiste voulant identifier ces pierres va devoir essayer de trouver des éléments indicatifs de ce traitement plutôt que des preuves véritables. Bien souvent on trouvera une multitudes de petites indications mais pas vraiment d’éléments vraiment concluants. Ces indications seront souvent liées à l’étude de la répartition de la couleur dans la pierre en relation avec les inclusions présentes. Dans de nombreux cas ce sera très difficile car de nombreuses pierres ayant subi ce traitement ne présentent aucune inclusion soit du fait de la qualité du brut utilisé soit parce que ces pierres sont trop petites... soit les deux ! Dans ce cas il ne restera au gemmologiste que les éléments bien subjectifs que sont le feeling et l’expérience... Comme me disent parfois certains collègues : Il y a 10 ans on voyait une pierre de cette couleur qu’une fois par an... désormais c’est tous les jours... La différence entre les deux? Une nouvelle mine à Madagascar? Non: Le traitement au béryllium. Mais bon dans ce cas que dire si la pierre est sans « inclusions parlantes » et de couleur uniforme ? A chaque laboratoire et a chaque gemmologiste sa manière de faire et de voir les choses... Nous avons la chance ici à Bangkok d’avoir de nombreuses pierres de référence à porté de main.

Je vais vous résumer maintenant les différents points permettant de vous aider à identifier ces pierres mais rappelez vous c’est dans bien des cas très difficile et en général il sera toujours plus prudent de demander l’assistance d’une personne ayant de l’expérience dans le domaine ou d’amener la pierre que vous suspectez à un laboratoire équipé et ayant du personnel expérimenté afin de confirmer ces soupçons :

• Etude de l’aspect général de ces pierres: (Très subjectif, parfois indicatif mais jamais diagnostique)

o Les pierres sont en général de couleur très vives (pas de brun, de pourpre mais du jaune vif de l’orange..) et ont un beau « lustre ».
o Elles peuvent être de toutes les couleurs y compris bleues, mais principalement : jaune, orange, rouge orange, rose
o Un rubis traité au béryllium montrera souvent une transparence périphérique légèrement orange quand on le retourne sur un papier blanc.

Photos de pierres ayant été soumise au traitement thermique avec Béryllium :

N° 1, 2,4 d’Ilakaka (Madagascar) N°3 de Songea (Tanzanie)
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS, 2002
Corindons africains de diverses couleurs
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS, 2002
Corindons de Songea.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS, 2002


• L’étude de la fluorescence n’apporte en général pas d’éléments diagnostiques notamment en l’absence de pierres de comparaison crédibles, mais parfois on peut parfois remarquer des zones plus fortement jaune ou orange sous longues ondes comparé à une pierre non traitée au béryllium ou alors une fluorescence bleue blanchâtres.

• L’étude au polariscope n’aide pas trop non plus. Mais de nombreuses pierres traitées ainsi présentent plus de «stress» que la normale.

• L’observation au microscope est bien souvent la clef pour le gemmologiste, car certaines caractéristiques intéressantes peuvent être observées notamment en utilisant des techniques d’immersion:


o Comme ce traitement semble particulièrement efficace avec les pierres en provenance de certaines localités, la connaissance des inclusions typiques de ces localités peut aider à la distinction de ces pierres. L’autre point est que ces pierres sont chauffées a très haute température ce qui crée la aussi des inclusions typiques.

* Les pierres de Songea en Tanzanie ont en général peu d’inclusions, mais présentent souvent des cristaux de rutiles et une répartition de la couleur très singulière: L’extérieur du brut est souvent pourpre tandis que l’intérieur est verdâtre. (Cf. Photos) Avec le traitement au béryllium, le pourpre va devenir rose orange et le verdâtre jaune (Cf. photos). Les cristaux de rutile vont diffuser du titane dans la pierre qui va localement colorer la pierre en bleu. On voit donc ces points bleus sur fond jaune, rose ou orange (Cf. Photos) Ce dernier point est quasiment diagnostique car a ce jour je n’ai jamais rencontré cela dans une pierre non chauffée avec ces « éléments légers ».

Corindons de Songea avant traitement: Notez la faible couleur verdâtre centrale, la forte couleur pourpre externe, et l'aspect "grossier" général.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS
Les même pierres après le traitement: Notez la couleur jaune orange au centre de la pierre et rouge orange en périphérie.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS

cristal de rutile rouge fondu par les "hautes températures" avec givre. Cristal et givre sont entoures d’un halo bleu venant de la diffusion interne du Titane.
Photo. Kaushal Mehta pour les laboratoires AIGS, 2003

Corindons de Songea avant le traitement. Notez la couleur verdâtre ou pourpre.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS, 2002

Le même lot après le traitement. Notez les couleurs vives orange et jaune
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS, 2003

Cristal de rutile fondu avec givre et couleur bleue venant de la diffusion interne du titane depuis le cristal fondu.
Photo. Kaushal Mehta pour AIGS, 2003

Corindon de Songea avant traitement (vu sous immersion). Notez la distribution inégale de la couleur typique de ces corindons : vert au centre violet a l’extérieur.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS
Même Corindon après traitement (vu sous immersion).le vert est devenu jaune vif, le violet rouge orange. Notez la coloration bleue diffusée des cristaux hôtes inclus.
Photo: Vincent Pardieu pour AIGS
Cristal de rutile fondu par les "hautes températures" typique dans un corindon traité les avec "fingerprint" et halo bleu venant de la diffusion du Ti.
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2003

Corindon traité typique avec couleur périphérique orange, cristaux fondus en "bulles figées" et cristal de rutile avec "fingerprint" et halo bleu.
Photo. Kaushal Mehta pour les laboratoires AIGS, 2003
Corindon traité typique avec "coloration de la périphérie" et cristaux de rutile fondus et halo bleu et zone bleuâtre venant de la diffusion interne du Ti des soies de rutile.
Photo. Kaushal Mehta pour les laboratoires AIGS, 2003

Corindon traité classique avec périphérie orange, cristaux de rutile avec halos, cristaux fondus avec bulles figées bleu.
Photo. Kaushal Mehta pour les laboratoires AIGS, 2003


* Saphirs de Sri Lanka ou d’Ilakaka à Madagascar (rose, jaune, orange): De nombreux cristaux de zircon fondus seront souvent visibles avec un aspect cotonneux et entoures de givres très typiques au design dendritique (Cf. photos) ou alors par des « discoïdes » contenant comme des fragments de cristaux fondus et disperses (cf. photos) Les cristaux de zircon fondus ne sont pas la preuve de la présence de béryllium, mais ils sont la preuve de traitement thermique à très haute température. Nuance majeure et donc la nous avons un élément très indicatif mais non conclusif isolement.

Cristaux fondus a aspect cotonneux avec discoïde de type dendritique dans un saphir Africain orange chauffe avec Béryllium..
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS

Cristaux fondus dans un saphir africain traité (Darkfield 40X) Notez l'aspect cotonneux et en fougère/dendrites.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS

(Darkfield 40X) Cristaux fondus avec résidus dans un saphir Africain chauffe avec Béryllium.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS


o L’usage de fondants est aussi commun et souvent les pierres présentent des givres de type fondant ou « flux » (cf. Photo) voire des anciennes cavités complètement rebouchées par du saphir synthétique ou représentant des inclusions de givres de type fondant ou « flux ». (cf. Photos). Ce n’est pas diagnostique mais parfois indicatif.

Rubis songea N1 : Cavité remplie par du corindon synthétique. Eclairage « darkfield » cela ressemble a une simple fissure refermée avec du fondant.
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2002

Même pierre N1: lumière réfléchie: La cavité remplie de corindon synthétique semble tout a fait normale: Notez le même lustre en surface des zones roses naturelles et synthétiques..
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2003

Même pierre N1 : En immersion : la différence est très nette entre les zones naturelle (colorées) et synthétiques (incolore)
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS 2002

Saphir orange: Cavité remplie avec du corindon synthétique et résidus de fondant sous « darkfield ». Moins évident que pour N1 car ici le rondiste ne permet pas l’étude par transparence.
 La même cavité que ci a gauche sous illumination directe: Notez le même lustre dans la zone du corindon fin et celle du corindon synthétique. Par contre lustre different des zones de fondant arrivant a la surface.
Rubis de Songea traité (Darkfiel 80X) Détails sur les "fingerprints" fondus venant du traitement à haute température.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS, 2002

Corindon synthétique et fondant (flux) d'une cavité remplie d'un saphir jaune traité. Illumination « Darkfield »
Photo. Kaushal Metha pour les laboratoires AIGS, 2003

Même pierre : Illumination directe: Notez qu'il n'y a pas de différence de lustre excepté pour le fondant.
Photo. Kaushal Metha pour les laboratoires AIGS, 2003

Détails sur des liquides comme du fondant en plans courbes typiques et atteignant la surface. Saphir Africain orange traité.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS 2002

Intéressantes "vagues" proche de la surface d'un saphir jaune traité. venant peu être d'une "surcroissance" de corindon synthétique.
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2002
"Surcroissance" de corindon synthétique dans un rubis de Mogok traité thermiquement et non poli…
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2003
Cristal chauffé a haute température et soies résorbées dans un saphir bleu probablement traité avec beryllium.
Photo. Kaushal Metha pour AIGS 2003


o L’observation sous immersion permettra l’étude de la répartition de la couleur dans la pierre qui pourra être diagnostique car ces variations de couleur ne sont pas vues dans les traitements à haute température sans béryllium...
o La présence d’une concentration de couleur non homogène qui pourra être semblable a un anneau orange, jaunâtre ou sans couleur autour de la pierre (dans le cas ou la pierre a été chauffées déjà taillée ou pré taillée) ou alors a quelque chose de plus localisé notamment dans les pierres qui ont été chauffées à l’état de brut. (Cf. Photos)
o La présence possible de zones périphériques sans couleur notamment pour les rubis et certains saphirs bleus. (Cf. Photos)
o La présence de couleur orange diffusant depuis certaines fissures de la pierre. (Cf. Photos).




Rubis traité (illumination sous immersion dans liquide) Détail sur la zone de couleur orange diffusant d'une craquelure à l'intérieur de la pierre.
Photo. Vincent Pardieu pour AIGS, 2003

Détails sur des cristaux fondus avec « bulle figée » dans corindon traité avec beryllium : Noter la zone orange peripherique.
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2003

Coloration bleuâtre due à la diffusion interne du titane venant des soies de rutile dans un saphir jaune traité. (Sous immersion 60X)
Photo. Kaushal Metha pour les laboratoires AIGS, 2003


• Note: la couleur de ces pierres semble stable dans la majorité des cas. Cependant j’ai vu certaines de ces pierres perdre une partie de leur couleur après avoir été soumises à un “fade test”. Je me rappelle en particulier d’un rubis de songea qui présenta après “fade test” une zone périphérique bien moins colorée qu’avant avoir été soumis a la lumière.

En conclusion, je voudrais dire que de nombreux éléments permettent à l’observateur équipé et expérimenté d’émettre de très sérieux doutes sur le fait que telle ou telle pierre ait été ou non chauffée à l’aide de béryllium ou d’un autre élément léger. Mais apporter des preuves décisives reste très difficile voire impossible dans de nombreux cas. Il faut aussi prendre en considération que ce traitement est toujours très vivant et qu’en ce moment même peut être des évolutions et des améliorations y sont apportées.

La meilleure arme du gemmologiste face a ce nouveau traitement comme face à pas mal d’autre sera une solide connaissance du monde interne des pierres gemmes et donc de leurs inclusions. Pour cela je ne saurais que conseiller a chacun d’investir dans des cours de gemmologie sérieux au niveau des traitements ou dans une collection de pierres de références sachant que l’un n’empêche en général pas l’autre. La gemmologie est une discipline de recherche et d’apprentissage sans fin… Ca en fait le charme !

Sinon pour en terminer avec ces pierres je dois dire que cela a été un vrai plaisir pour moi de passer ces 3 ans à étudier ce traitement qui produit des saphirs ayant d’excellentes qualités esthétiques. Ces pierres au delà de la controverse qui sévit autour d’elles devraient pouvoir trouver leur place dans le marche car leur beauté est certaine. Maintenant a savoir sous quel nom ? C’est bien la le problème…

Maintenant voici quelques photos d’inclusions prises dans des pierres non chauffées à ne pas confondre avec celles des pierres chauffées a haute température « en présence d’éléments légers » :


Cristal bleu non identifié dans rubis Birman non chauffé.
Photo. Vincent Pardieu 2003

Zonage bleu naturel dans un rubis de Mong-Hsu non chauffé.
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2003

Zircon dans un saphir de Madagascar non chauffé.
Photo. Kaushal Metha pour les laboratoires AIGS, 2003


Voici aussi quelques photos d’inclusions prises dans des pierres ayant été chauffées de façon plus traditionnelle :

Cristal fondu avec discoïde en forme d'atoll dans un saphir chauffé « traditionnellement »
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2002

Cristal fondu et discoïde iridescent dans un saphir chauffé « traditionnellement »
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2002

Remplissage par du verre dans un saphir. Notez la différence de lustre en surface entre le saphir et le verre…
Photo. Vincent Pardieu pour les laboratoires AIGS, 2002


Vincent Pardieu, A.G., G.G., est un gemmologiste Français spécialiste des pierres Birmanes, travaillant comme consultant à l’AIGS à Bangkok (Thaïlande)

Je tiens à remercier pour cet article le personnel du laboratoire de gemmologie de l’AIGS de Bangkok et en particulier Kaushal Mehta pour l’aide apportee durant ces années de travail et de recherche. Je remercie aussi Jean Marie Arlabosse et Roger Dedeyne (Alias Gemmo) pour m’avoir apporté leur aide afin de finir de mettre en forme ce sujet.

Pour plus d’informations sur ce sujet, je conseille vivement la lecture de l’abondante littérature disponible sur Internet liées a ce sujet (Liens dans le corps du texte) ainsi que le numéro de la revue « Gems and Gemology » Summer 2003.
VP.

Merci à V.Pardieu pour cet article.

A lire aussi sur le sujet l'excellent article de E.Fritsch, J-P. Chalain, H. Hänni, B. Devouard, G.Chazot, G. Guiliani, D. Schwarz, C. Rollion-Bard, V. Garnier, S. Barda, D. Ohnenstetter, F. Notari, P. Maitrallet.dans la
Revue de Gemmologie de l'A.F.G. Février 2003 n°147 p11-23.

JMA.

 

 

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